Technique Moteur: Etablissement d’un nouveau profil de came avec le programme EValve

Nous l’avons dit, fonctionner en cycle de Miller revient à modifier le temps d’ouverture de la soupape d’admission (Voir l’article « Technique moteur : Le cycle de Miller »). Dans notre cas, cela n’est possible qu’en modifiant le profil de la came. Le profil de la came étant défini par la loi de levée de la soupape et la géométrie de la distribution.

  1. Petit rappel:

Les éléments qui constituent la distribution contribuent à la respiration du moteur. C’est à dire qu’ils régulent les quantités de gaz frais admis dans la chambre de combustion et l’évacuation de ceux ci par le conduit d’échappement tout en maintenant l’étanchéité du cylindre dans la phase de compression. La distribution a une influence importante sur les performances et le niveau de pollution du moteur et elle est, de nos jours, conçue en fonction de ces deux contraintes.

Il existe beaucoup de types de distribution et ceux-ci ont évolué au cours du temps.

Notre moteur est doté d’un simple arbre à cames en tête (cad qu’il se situe dans la culasse qui est la partie haute du moteur) , entrainé par la chaine de distribution engrenée par le vilebrequin. Il possède deux cames dont les sommet sont dits « calés » à 90° après le Point Mort Haut pour l’admission et 112,5° avant le PMH pour l’échappement.

Il comporte une chambre de combustion hémisphérique, car celle ci permet un échange de chaleur réduit par rapport aux autres formes de chambres également utilisées ( en coin, cylindrique, en toit,…).

Il comporte deux soupapes, une pour l’admission, une pour l’échappement, disposées en V dans la culasse, procurant un bon remplissage.

Et utilise une commande de soupape dite par basculeurs, ou culbuteurs.

Voici un schéma de la commande des soupapes par culbuteur:


Nous voyons que la géométrie du culbuteur détermine la relation entre la levée de la soupape et la profil de la came correspondant.
Le rapport de culbuterie, rapport entre la distance (centre de rotation du basculeur / point de contact avec la soupape-basculeur) et la distance (centre de rotation du basculeur / point de contact came-basculeur), varie au cours de la levée de soupape, et peut ainsi modifier la raideur entre la came et la soupape.

 

2. Le programme EValve:

Nous avons découvert sur le web une suite de trois programmes extrêmement intéressants et complets, développés par Laurent Odillard.

EValve est le logiciel de cette suite qui permet (entre autres!) le calcul de la cinématique et des efforts dynamiques de la distribution.

Nous avons procédé comme suit:

2.1. Etablissement du profil de came d’origine

Premièrement, pour nous « acclimater » au logiciel, nous sommes partis de notre loi de levée mesurée sur le moteur d’origine. Nous avons manipulé le programme afin qu’il nous donne le profil de la came d’origine.

Pour cela il faut renseigner les caractéristiques de topologie du moteur, des matériaux et des ressorts de soupapes utilisés:



C’est là que les mesures prises par Mr Jean-Michel Lorange ont été indispensables pour établir précisément la géométrie de la commande de soupape. (Voir article « Prise de mesures chez Techspace Aero par Mr Jean-Michel Lorange »)


Exploitation des résultats:

Le programme est capable de sortir des profils de came comme celui ci:


Egalement une vue sur la cinématique de la distribution angle par angle:


Mais aussi notre loi de levée:


L’accélération de la soupape:


La loi d’accélération est la loi la plus importante d’un point de vue mécanique, car c’est elle qui caractérise les qualités « mécaniques » et « harmoniques » d’une loi de levée. Son élaboration est assez complexe et doit permettre une accélération négative contrôlée, des accélérations maximales évitant un comportement balistique de la soupape tout en garantissant des efforts harmoniques de rang élevé (au dessus de 8) suffisamment faibles. (Cette information, ainsi que de nombreuses autres par la suite, sont reprises de l’aide en ligne d’EValve)

Et un calcul des efforts dynamiques sur les ressorts et sur les soupapes:


La connaissance de ces deux efforts est primordiale pour la détermination du régime critique d’affolement de soupape. Lorsque l’effort de rappel du ou des ressorts est insuffisant pour garantir un contact de la coupelle supérieur sur les demi-lunes, alors le système devient instable et la tenue mécanique de l’ensemble soupape-coupelle-ressort n’est alors plus garanties.

Les conséquences de ce mauvais dimensionnement sont variables : casse de soupape au niveau des gorges de demi-lunes, au niveau du diamètre mini de la tige, enfoncement des demi-lunes dans la coupelle, usure des portées de ressort, etc…

2.2. Etablissement du nouveau profil de came

Nous étant « fait la main » sur les cames d’origine, nous sommes passés à la définition des nouvelles.

Tout d’abord, nous avons défini une nouvelle durée d’ouverture de la soupape d’admission.

Nous avons choisi de réduire l’avance à l’ouverture (AOA) et d’augmenter le retard fermeture (RFA). (Pour plus d’explications sur le diagramme de distribution voir article « Technique Moteur: Le cycle de Miller )

Pourquoi?

Couramment, on choisit un AOA positif et on choisit également un retard positif de fermeture d’échappement (RFE). On obtient ainsi un angle de croisement qui signifie un balayage important du cylindre. Cela permet d’aider à aspirer les gaz frais dans le cylindre à haut régime, mais à bas régime le mélange air essence partira dans l’échappement ce qui aura pour conséquence d’augmenter sa consommation en carburant.

Il en va de même pour l’AOE dont le but est de bien vider le cylindre. Nous avons choisi de le réduire pour ne pas ouvrir la soupape trop tôt et perdre une partie de l’énergie donnée au piston lors de la détente.

Le RFA a pour but de faire rentrer un maximum d’air dans le cylindre à haut régime à cause de l’inertie de la veine gazeuse. Encore une fois, nous fonctionnons sur une plage de régime relativement basse pour le moteur, le remplissage est n’est donc pas optimal. Pire, nous allons augmenter le RFA 70°! Vous me direz: mais alors un mauvais remplissage veut dire une perte de puissance? Et bien oui, mais nous faisons cela afin d’obtenir une course de détente relativement plus longue que celle de compression car cela permet une meilleure utilisation de l’énergie pour une quantité de carburant donnée.

Nous allons augmenter le taux de compression en diminuant la taille de la chambre de combustion mais cela fera l’objet d’un autre article.

L’élaboration d’une loi de levée de soupape peut se faire de multiples manières : Loi polynômiale de degré n (paramétrage par les constantes), somme d’une série de fourrier ou encore définition d’un squelette d’accélération.

Cette dernière méthode est la plus efficace et est d’ailleurs très utilisée par les spécialistes de la distribution. C’est cette méthode qui est utilisé dans EValve.

EValve permet de générer une loi de levée de deux manières différentes. La loi peut être générée par un squelette libre ou un squelette à garde constante.

La garde de la soupape est la différence entre l’effort dynamique de la soupape (produit de son accélération et de sa masse) et l’effort de rappel du ou des ressorts. La garde ne doit jamais être inférieure à la pré-charge du ressort. Pour autant, cette règle n’est applicable qu’à la condition d’une pré-charge suffisante.

J’espère que vous suivez toujours!

Dans la conception d’une distribution il faut garder à l’esprit que des efforts sinusoïdaux vont venir s’ajouter à l’effort de rappel du ou des ressorts (L’analyse vibratoire et l’optimisation d’un ressort de soupape peuvent constituer un TFE à elles seules). De ce fait, une étude poussée des efforts harmoniques et de leurs amplitudes est indispensable à la détermination du régime de décollement (ou d’affolement) de soupape.

Nous utiliserons donc les ressorts d’origine.

Nous avons utilisé la loi définie par un squelette libre, et défini une loi symétrique.


Paramétrage du squelette d’accélération :

Contrairement à ce que la logique voudrait, nous ne partons pas de la valeur de la levée maximale pour définir une loi. Cette valeur devient la conséquence de la double intégration du squelette d’accélération.

Voici le diagramme de la loi de levée.


Au début, nous sommes parti sur une levée à deux segments, puis quatre et maintenant nous voyons qu’il existe en réalité 11 segments.

Ayant défini une loi de levée et connaissant la topologie du moteur, le programme nous a donné un nouveau profil de came d’admission:


La fabrication de ces cames fera l’objet d’un autre article également.

Un tout grand merci à Laurent Odillard pour la qualité des logiciels qu’ils propose, mais également pour toute l’aide qu’il nous a prodigué tout au long de l’élaboration de nos cames !

Visitez son site: http://loranenginedev.pagesperso-orange.fr/index.htm !

Gérald

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